Alain Corbin traite ici, en historien, d'anxiété biologique et de préservation du risque vénérien. Il souligne incidemment la répugnance olfactive à l'égard des migrants. Il esquisse une histoire des préoccupations écologiques et analyse la perception des nuisances industrielles...
A l'aube du XVIIIe siècle, les colères de l'océan accentuent la répulsion inspirée par les grèves désertes et lugubres. Nulle part, excepté dans l'oeuvre de rares individus, ne se dit l'admiration pour l'espace infini des flots ; nulle part ne s'exprime le désir d'affronter la puissance des vagues, de ressentir la fraîcheur du sable. C'est entre 1750 et 1840 que s'éveille puis se déploie le désir collectif du rivage. La plage alors d'intègre à la riche fantasmagorie des lisières ; elle s'oppose à la pathologie urbaine. Au bord [...] de la mer, mieux qu'ailleurs, l'individu se confronte aux éléments, jouit de la sublimité du paysage...
Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle émerge une nouvelle attitude "spectatoriale" à l'égard du monde. Le passage du code esthétique classique à celui du sublime engendre une révision générale des manières d'apprécier les espaces illimités. Autrefois objets de répulsion, la mer, mais aussi la montagne et la forêt, sont désormais perçues comme belles et comme sources d'émotions nouvelles. L'émergence d'un désir du rivage en Occident est également imputable aux découvertes scientifiques sur les bienfaits de l'air marin et [...] de l'eau de mer sur la santé physique et mentale, pour lutter contre le spleen et la mélancolie, et aux pratiques nouvelles d'exploration de la nature. Fuyant la pathologie urbaine, le promeneur-curiste se fait ainsi l'ancêtre du touriste. Alain Corbin, historien des sensibilités, signe ici une livre étonnant, qui, tout en faisant l'histoire des représentations du rivage nous plonge dans l'histoire étrange et fascinante de la découverte des plaisirs corporels liés à la mer. --Hervé Mazurel